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Jean-Luc Lavrille à l’Ecole Freudienne

Samedi 16 septembre, à la suite de la présentation des enseignements, nous avons eu le plaisir d’accueillir et d’entendre le poète Jean-Luc Lavrille dont la lecture de son texte inédit "Ouïssance" a chatouillé agréablement nos oreilles. Son travail "échophonique", selon le mot de Jean-Yves Samacher, qui fait résonner la dimension signifiante homophonique et sonore de la langue, est précieux pour la formation du psychanalyste. Né en 1952, Jean-Luc Lavrille a publié plusieurs ouvrages ainsi qu’en revues. L’un de ses livres récents, "Jetés aux dés", est paru aux éditions l’Atelier de l’agneau en 2018.

LA POÉSIE SONORE DE JEAN-LUC LAVRILLE :
QUAND LA POÉSIE RECYCLE LE SENS DES DISCOURS

Jean-Luc Lavrille est un poète sonore qui s’attache à faire entendre le refoulé de la langue, par le biais de jeux sur les intonations de la voix mais aussi par le biais de ruptures du rythme syntaxique, de dérapages sur les mots et de « lapsus » auto-engendrés. Il introduit ainsi une dimension de hasard qui fait événement dans le langage, en trouant et perturbant le déroulé logique du discours, tordant le cou – par la même occasion – à la conception classique de la poésie, celle qui répond aux critères de la mimèsis et continue d’accorder la primauté au signifié sur le signifiant, dans une aliénation sclérosante à l’art de la rhétorique.
Le geste conjointement poétique et politique accompli par Jean-Luc Lavrille, consiste à s’attaquer aux platitudes, clichés, mots d’ordre et répétitions du discours ambiant – incarné, entre autres, par le langage de la communication, la novlangue du management – en recourant aux pouvoirs perturbateurs du signifiant et de la lettre, en pratiquant des coupes surprenantes dans le continuum de la phrase, en faisant s’entrechoquer ou fusionner les mots et les vers, en parasitant le sens commun, et ce afin de déjouer les résistances du Sens compassé comme les résistances du Moi qui, noyé dans l’illusion de la toute-puissance, s’érige en maître absolu de son discours. Jean-Luc Lavrille se méfie d’ailleurs de tout discours, y compris du discours que la poésie tient sur elle-même.
Dans la poésie lavrillienne, la conception linguistique traditionnelle, héritée de Saussure, se trouve donc renversée, au même titre que dans la « linguisterie » lacanienne, répondant à la logique de l’inconscient : l’algorithme n’est plus signifié sur signifiant, mais signifiant sur signifié. Dans ce contexte, le bruit, les interférences, tout ce qui relève de l’infra-verbal prend le pas sur ce qu’en théorie de l’information on appelle le message ; le Sens univoque, celui du dictionnaire, cède ici la place à l’interprétation, aux sens multiples (polysémie) liés à la polyphonie, à l’ambiguïté, au glissement de sens, aux « échophonies » remplaçant les impératifs de maîtrise et de rendement économique par le plaisir du jeu langagier, soutenu par la jouissance retrouvée, décuplée, démultipliée, du souffle et de la voix.

Jean-Yves Samacher

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