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Les indiens du Sud de l’Amérique du Nord

Gérald RACADOT

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Pour ces Indiens la terre est chose sacrée à habiter, de façon nomade ou sédentaire, en respectant le cadre d’une certaine théologie. Dans leur mythologie, assez confuse à mon entendement profane, la terre est le lieu des ancêtres mais aussi des esprits qui animent le monde, elle est de surcroît le berceau de l’humanité. Les humains sont sortis de la terre pour peupler le monde. Les temples circulaires semi-enterrés des Indiens du sud de l’Amérique du nord s’appellent des « Kiva » et sont percés en leur centre du « Sipapou », un petit trou rond qui engendre dans le sol un conduit par lequel on peut communiquer avec les esprits qui animent toute chose vivante. Nous sommes là dans le cadre d’une forme d ´animisme.
Cette terre est territoire sacré, véritable alpha et oméga de toute création, elle est à vénérer selon certains rituels. L’idée même de la posséder comme un bien que l’on pourrait s’approprier à la manière d’un objet n’a pas de sens. Ainsi, même pour ceux qui ont abandonné le nomadisme pour se sédentariser comme les Pueblos et plus tard à leur contact les Navarro, le lieu même de la ville ne peut être définitif. Ce lieu ne peut non plus glorifier la puissance ou la richesse d’un clan ou d’une nation, mais doit s’inscrire dans le cadre d’une prescription religieuse qui définit la manière et l’endroit du culte rendu à la terre sacrée. Ainsi dans l’histoire de ces Indiens du sud de l’Amérique du Nord, certaines villes ont été abandonnées alors qu’elles étaient florissantes sans que l’on puisse attribuer cet abandon d’un lieu pour reconstruire dans un autre lieu, à un quelconque facteur climatique ou économique, encore moins à une cause guerrière. Les villes abandonnées et reconstruites ailleurs restent une énigme pour les anthropologues quant à la raison de cet acte. Il ne fait guère de doute à mes yeux que la raison est religieuse.

Avec l’acquisition de la Louisianaise française vendue par Napoléon, les États-Unis d’Amérique du Nord, alors récemment indépendants, voient leur territoire doublé en étendue. La Louisiane française était une vaste région s’étendant de la Nouvelle-Orléans jusqu’au Canada, grosso modo ce qu’on nomme maintenant le Middle-West et la Louisiane actuelle : une surface à l’ouest des Montagnes Rocheuses équivalente à la surface des États-Unis à l’est de ces montagnes. Avec l’acquisition du Texas et la conquête guerrière du Nouveau Mexique et de la Californie sur les Mexicains, une surface équivalente à chacune des deux précédentes s’ouvrait à l’ouest, c’était le Far West.
On nommera « nouvelle frontière » la limite du cheminement vers l’ouest des colons protestants s’appropriant au fur et à mesure ces terres. C’est l’avancée vers l’ouest de la civilisation scientifique, d’origine occidentale et européenne, avec la notion de progrès qu’elle véhicule, comme l’américain Turner l’a écrit. Mais c’est aussi pour ces protestants, religion d’élus du fait de la prédestination, l’avancée vers la terre promise au peuple chrétien de la religion puritaine dont les membres sont les descendants des premiers arrivés sur le célèbre May Flower. Selon John O’Sullivan cette terre a une « destinée manifeste » comme il l’écrit, qui est celle de s’offrir à la possession, à la jouissance de ces nouveaux arrivants. Cette terre est l’objet à faire prospérer selon la destinée manifeste qui était la sienne de toute éternité, d’appartenir à ses nouveaux venus qui apportaient de surcroît les bienfaits du monde moderne.

Le mode de jouissance des uns par rapport à cette terre, chose sacrée dont l’idée même de la posséder n’a pas de sens, elle est à vénérer selon certains rituels, est radicalement étranger au mode de jouissance des autres pour qui cette terre est l’objet à faire prospérer et qui leur est destiné et promis. Comme Solange Faladé l’a bien dit et fait entendre dans ses conférences sur Mandela et De Klerk, la haine et le racisme s’originent de ce qui n’est pas supportable chez l’autre, à savoir un mode de jouissance qui ne soit pas semblable. En effet des traits physiques différents peuvent faire l’objet d’une curiosité, voire même d’un attrait, une langue étrangère peut aussi avoir son charme et son exotisme, par contre un mode de jouissance radicalement autre n’est pas supportable.
Dans cette mauvaise rencontre entre ceux qui étaient là et ceux qui arrivaient, la disparition programmée des moins performants devait s’en suivre.

Sur un autre point je me suis interrogé sur le fait que les Indiens d’Amérique du Nord en soient restés à l’âge de la pierre, avec des pointes de flèches en silex taillé. Certes ils étaient dans un isolement géographique sur ces terres américaines et de ce fait, coupés des autres civilisations. Mais cela suffit-il ? Leur religion aussi doit avoir contribué à cette absence d’évolution. C’est une religion hyper traditionaliste qui doit maintenir l’avenir à l’image du passé sans évolution possible. Chaque animal, chaque objet ont leur niche existentielle en quelque sorte, ceci dans un ordre immuable.

Je me suis demandé également si le fait de tout situer sous terre de l’alpha à l’oméga, n’a pas privé ces hommes d’un regard sur les cieux, avec les astres qui changent de place mais reviennent toujours à la même place ceci en un lieu et à un temps donné des jours et des saisons, s’offrant ainsi à une lecture de leur trajectoire ouvrant sur la curiosité et le calcul, prélude à la science.